« C’est sans doute mon livre le plus personnel, celui qui me ressemble le plus ». Ecrivain et journaliste inclassable, Denis Robert publie « Une Affaire personnelle » (Flammarion, 348 pages, 19,90 euros), livre lui aussi inclassable mélangeant souvenirs, réflexions et analyses (sur la monde, la finance, la justice, la presse…). L’homme est notamment à l’origine de l’affaire Clearstream 1 (la mise en lumière d’une banque luxembourgeoise servant ce plaque tournante aux opérations bancaires du monde entier, pour résumer) et l’un des protagonistes de Clearstream 2 (la très embrouillée affaire de vrais-faux listings bancaires remontée jusqu’aux sommets de l’Etat), pour laquelle il a été mis en examen pour recel de vol et recel d’abus de confiance. Une accusation dont il se défend, affirmant être l’outil involontaire d’une gigantesque manipulation.
Cette mise en examen par les juges d’Huy et Pons (ce dernier en compagnie duquel, comme il le raconte dans le livre, il courut il y aune quinzaine d’années le marathon de New York…) est le sommet des ennuis judiciaires de Denis Robert, qui comptabilise aujourd’hui 18 procédures judiciaires à son encontre, dont une douzaine de plaintes en diffamation venant de Clearstream. «Une dérive totale du fonctionnement démocratique, estime-t-il dans une interview à Metrofrance.com. Qu’on me mette en examen pour ça, ça veut dire que ce n’est plus un coup de canif, c’est un coup de bazooka dans la liberté d’informer. »
Son éditeur (Les Arènes, chez qui il a publié ses différents livres sur Clearstream), Canal + (pour lequel il a réalisé plusieurs documentaires) et lui-même totalisent environ 300 000 euros des frais de défense face aux diverses plaintes, avance-t-il. Face à cette offensive, qu’il compare à une « censure économique utilisée quand on veut faire craquer quelqu’un et qu’on ne peut pas l’éliminer physiquement », il doute parfois, souffre souvent, mais tient bon, notamment grâce à l’appui d’un comité de soutien dirigé par des copains fidèles, essentiellement des Messins comme lui (le dessinateur Rémy Malingrey en est le président). Il a envie de passer à autre chose, d’en finir avec ce maelström, se consacrer à son roman, à la BD qu’il écrit, aux scénarios de films qu’il prépare, à ses expos d’art contemporain ou au théêtre. Mais difficile d’échapper à l’obsédante pression, à ce « déferlement ».
Denis Robert dit avoir « démarré dans le métier avec l’envie de courir, à la manière d’Albert Londres : ‘Mettre la plume dans la plaie’ ». Il parle aussi de son « aptitude à créer des embrouilles ». Mais, affirme-t-il, « si je ne les cherche pas, je sais aller où ça fait mal. Sur la multinationale, je sais ce que j’ai vu, les documents que j’ai, la force de cette enquête, donc je ne vais pas caler. »
In - Metro - Par François Bourboulon