27.11.06

Vive le Luxembourg...

La presse luxembourgeoise a fait état longuement la semaine passée d'une
conférence de presse d'André Lussi, l'ancien patron de Clearstream, évincé suite à la sortie de Révélation$ et des dissimulateurs.
Le résultat est complètement surréaliste. On se croirait à une conférence de presse de Ruddy Weierming dans "la domination du monde".
Outre le fait que j'aurais été manipulé par les allemands avides de racheter la multinationale (ceux-là mêmes qui me poursuivent en ce moment), Lussi se refait une virginité touchante en assurant qu'il n'y a pas "un gramme de vérité" dans mes livres. La presse luxembourgeoise verse unanime une larme sur son triste sort (oubliant au passage le golden parachute de 8 millions d'euros minimum).

J'ai relevé dans la complaisance sirupeuse de tous ces articles (qu'on m'a gentiment traduit, merci les ennemis de l'intérieur) deux splendides aveux parmi de nombreuses perles. Et ce dans le Tageblatt, le quotidien qui, avec le Wort, est celui qui a le plus pris le parti de Clearstream depuis le début de l'affaire. On se croirait en union soviétique au moment de Brejnev:
"L’entrepreneur suisse André Lussi, qui autrefois a mené l’entreprise CEDEL ainsi que son successeur Clearstream dans le domaine du clearing vers des sommets insoupçonnés sur le centre financier du Luxembourg, était avant-hier l’orateur invité au « Ecxecutive Club Luxembourg » démarre l'article.
Puis la langue de bois luxembourgeoise fait feu:
" Le président Guy de Muyser, connu pour ses introductions délicates, a indiqué qu'il y n'a plus d'espaces libres discrets pour les décideurs dans les démocraties actuelles, aucun "huis clos" comme dirait le juriste. La transparence réclamée aujourd'hui fait autant de héros et que de victimes. C'est peut-être le tribut à payer à cette forme de liberté, à laquelle personne ne voudrait renoncer, conclut pertinemment Guy de Muyser dans son introduction."
Vient le portrait de Lussi:
"Né le 22 mai 1950 en Suisse, André Lussi a
rejoint, après ses études à Lausanne et Fribourg, l'UBS (Union des Banques Suisses) dont il quittât les bureaux Londonien en l’année charnière 1989 pour assumer le poste de manager auprès de Cedel à Luxembourgeois, qu’il a développé avec détermination d’une coopérative vers l'entreprise de clearing internationalement reconnue et enviée avec 2.000 employés de 41 nations."
Puis la première perle:
"Le premier constat est que la base du clearing
réside sur un circuit fermé qui n'admet aucun blanchiment d'argent sale. Point. D’où résulte pour André Lussi le deuxième constat, à savoir que le livre de Backes et de Robert ne contient pas un gramme de vérité, en tout cas aucune vérité exploitable sur le plan juridique."
Là, on frise le génie. Je n'ai jamais dit autre chose. Jamais le Luxembourg n'aurait pu apporter une quelconque vérité juridique à ce dossier. Lussi et moi sommes exactement sur la même ligne. Nous parlons simplement de planètes différentes. Et le sens donnés aux mots diffèrent... Pour lui, la "fraude" n'est pas "la fraude" au sens où je l'entends mais la norme. De la même manière, ce que j'appelle "dissimulation" est à ses yeux de "la discrétion".
Deuxième perle:
"Avec la croissance du succès commercial de Cedel due, entre
autres à la flexibilité de notre place bancaire, l’envie a augmenté chez les concurrents. " explique Lussi.
Ce que lui appelle "flexibilité" est tout simplement de l'impunité pour les fraudeurs. Ce que propose en somme la place bancaire luxembourgeoise.
On devrait monter un club André et moi. Un numéro de claquettes, tant nous sommes raccords.

DR

25.11.06


samedi 25 novembre 2006
, communiqué de Denis Robert...

"Ce qui n’était pas prévu est finalement arrivé.
J’ai reçu une convocation de première comparution à mon domicile cette semaine.
Les juges d’Huy et Pons, suite aux plaintes déposées par Clearstream et le cabinet d’audit Barbier Frinault et aux réquisitions du Parquet de Paris, m’invitent à passer les voir le 12 décembre prochain, pour me mettre en examen.
Cette comparution intervient à la veille de mes procès en appel contre Clearstream.
On me reproche un recel d’abus de confiance sur lequel je me suis déjà expliqué ici.
Je répondrai sans aucune difficulté à toutes les questions qui me seront posées comme je n’ai jamais manqué de le faire.
Depuis mars 2001, date de la sortie de mon premier livre Révélation$ et du film Les dissimulateurs, j’ai toujours œuvré dans l’unique but d’informer le plus grand nombre, sans jamais enfreindre la loi, sur les pratiques et dérives en cours dans ce milieu très opaque de l’hyperfinance.
Je suis allé là où aucun juge n’avait jamais mis les pieds car dans les paradis fiscaux, les magistrats ont pour fonction de protéger les criminels.
Mon travail, depuis l’appel de Genève, s’inscrit dans une démarche visant à expliciter le pillage organisé de nos économies par le crime organisé et l’aveuglement des politiques et des banquiers sur ces questions.
J’ai résisté à toutes les pressions et à tous les pièges qui m’ont été tendus.
J’ai persévéré dans ce travail avec la Boîte noire, puis avec l’affaire Clearstream racontée à un ouvrier de chez Daewoo, notre dernier film, le seul que Clearstream n’ait pas attaqué.
Mes révélations sur la multinationale luxembourgeoise ont d’abord permis de mieux comprendre le fonctionnement de la planète financière : la traçabilité des échanges transfrontalier, la centralisation en des points stratégiques de l’information, l’autocontrôle des banques.
J’ai montré, sans l’ombre d’un doute, que Clearstream était un organisme de compensation formidablement efficace pour des milliers de clients –banques honorables comme société off shore- cherchant à dissimuler des opérations
immensément frauduleuses. Et ce au moins jusqu’en 2002, date où mon enquête s’est achevée.
Ma volonté d’informer le plus grand nombre s’est ensuite concrétisée par la publication en juin dernier de mon livre Clearstream, l’enquête, où j’ai, le premier, révélé les turpitudes et les protections des acteurs de cette tragicomédie à la française. Cette histoire de corbeau est d’abord l’histoire du détournement de mon travail à des fins politiciennes et en
définitive mercantiles.

Cette convocation judiciaire tombe après que mes téléphones aient été écoutés, mes emails piratés, et après que des policiers et un expert en informatique aient perquisitionné mon bureau, recopiant les disques durs de plusieurs de mes ordinateurs, détruisant au passage l’un d’eux.

Avec cette convocation pour ma mise en examen, on est monté d’un cran dans l’extravagance.

Les principaux dirigeants de ce pays - le premier ministre, les ministres de la défense et de l’Intérieur, comme le président de la République- qui connaissaient bien avant moi les tenants et les aboutissants des manipulation ne sont, eux, pas inquiétés et bénéficient d’une immunité que chacun pourra apprécier.

Quand on sait que les procès verbaux d’auditions de témoins sont en ligne avant même que les avocats ne les aient eues entre les mains, on voit bien que c’est au plus haut niveau de l’Etat que les décisions se prennent. Et que des manipulations s’opèrent.

Je suis aujourd’hui la victime non consentante d’une minable guerre politicienne entre Sarkozystes et Chiraquiens. La justice est instrumentalisée en ce sens.

Ces personnalités politiques – Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin, mais aussi Nicolas Sarkozy- étaient à coup sûr tous informés au moins depuis juin 2004 du trafic des listings de Clearstream.
Cela est facilement démontrable.
Ce sont eux qui ont abusé et qui continuent à abuser de la confiance des magistrats instructeurs et des Français.
Moi, qui ai aidé la justice et les enquêteurs en leur révélant l’ampleur et les éléments de la manipulation dans mon livre Clearstream, l’enquête, débloquant ainsi une instruction qui s’enlisait, je suis donc aujourd’hui sur le point d’être un receleur d’abus de confiance. Ce nouveau statut ne me soucie pas sur le fond. Même si, me voir mis en cause à intervalle régulier dans la presse, ne me fait pas particulièrement plaisir.

J’aimerais que cette presse si réactive quand il s’agit de balancer des procès verbaux ou des mises en examen, soit un peu plus curieuse sur le fonctionnement de Clearstream. Et solidaire concernant ce qui est en train d’arriver.

Après le retrait du livre des librairies en juin dernier (dans le silence) et les procès à répétition de Clearstream et des banques contre moi (dans le même silence), l’addition commence à s’alourdir en terme de censure, et d’atteinte à la liberté d’écrire et d’informer.

Denis Robert

Ps : Un grand merci à tous ceux qui m’ont écrit ces derniers jours et qui se sont connectés à l’association montée par mes amis…"

23.11.06

Message de Denis Robert 23l11l06

Les amis,


J'ai reçu hier plusieurs messages s'étonnant de la campagne sur le net en
rapport à la création d'une association me concernant.

Genre: "Salut Denis, il y a un truc qui circule qui te concerne où on
demande des ronds pour te soutenir, ça pourrait ressembler à une arnaque
montée par Clearstream..."

Je les sais retors mais pas à ce point-là. Au contraire, cette initiative
lancée hier ne va pas leur plaire...

Donc, par ce mail, je confirme. Cette association montée par des amis a bien
été créée dans le but de m'aider à me défendre.

Jusqu'à présent, j'avais résisté à entrer dans ce jeu disons collectif.
Malgré les succès judiciaires et les livres qui résistent, j'ai du me rendre
à cette évidence: je ne peux plus m'en sortir seul.

Cinq années de bagarre face à une multinationale disposant de pareils moyens
financiers, c'est long. L'affaire du corbeau et les manoeuvres politiques et
judiciaires qui la sous-tendent ont accéléré le processus de censure et de
dénégation. Je manque de temps, d'argent, d'énergie pour répondre à chaque
coup porté.

Avec le gros temps qui profile, les mises en examen qu'on veut me coller sur
le dos, les nouvelles plaintes de Clearstream contre des interviews à la
presse, les procédures au civil très onéreuses lancées à Luxembourg où je
suis également mis en examen, cette initiative devenait indispensable.

Dans le silence ambiant.

Donc, non seulement je suis heureux de la naissance de cette association
inscrite au J.O. dont tous les comptes seront vérifiés (et pas par les
auditeurs de Clearstream), mais je demande à tous ceux qui me connaissent,
qui connaissent mes livres ou nos films, de la soutenir et de diffuser le
plus largement possible ce lien. Et ce message.

http://lesoutien.blogspot.com/

Merci d'avance.

DR (le 23-11-06)

22.11.06


Bonjour,
D’un internaute, j’ai reçu ce message...

"Hello Denis,
je pense que pour éviter que les gens se posent la même question que
moi (mais je suis très parano) il faudrait que vous parliez de cette
initiative chez vous et que eux, puissent faire un lien vers votre
commentaire (dans cet ordre). Cela éviterait que l'on s'interroge sur le
truc (genre, c'est pour de vrai ou c'est un truc qui surfe sur l'image
de Denis Robert).
Amicalement, A.C."

Donc, je confirme bien volontiers. Une bande d’amis a décidé de prendre le taureau par les cornes et de créer une association de soutien qui sera bien utile vu le gros temps qui profile.

Pour plus de détails, > cliquez ici

À part ça, le combat continue.
Les Inrocks publient cette semaine un texte que le Monde avait refusé, sous prétexte qu’il était diffamatoire.
Jugez par vous même.


"Nous sommes tous des receleurs

Donc, le Parquet de Paris veut me faire mettre en examen pour recel d’abus de confiance. Donc, les juges refusent, pour l’instant, de se soumettre à ce dictat. Rien n’est dû au hasard dans cette affaire Clearstream. Jamais.

Il est toujours très difficile pour moi d’endosser les oripeaux de la victime. J’écris des livres, je fais des films qui sont difficiles et s’attaquent à des pouvoirs financiers puissants. Il est normal que ces derniers se défendent.

Clearstream et son armée de juristes et d’avocats avaient d’abord cru bon de se constituer partie civile dans le dossier du corbeau instruit par les juges d’Huy et Pons en invoquant « un vol et recel de vol de secret bancaire ». Ils se sont rendu compte, pour des raisons de prescription, que ce motif ne tenait pas... Ils ont donc dû se creuser la tête... Je dis « ils » car je mêle ici Clearstream et le Parquet de Paris... Les avocats de la banque des banques ont forcément consulté les magistrats. Des intérêts communs sont à l’évidence nés. Pour Clearstream, la question est toujours la même : comment coincer Denis Robert et son nouvel informateur, l’informaticien Florian Bourges ? Pour le Parquet, courroie de transmission de la Chancellerie et de Matignon, la question pourrait être : comment inventer de nouveaux rideaux de fumée dans cette affaire ?

Là intervient un nouvel acteur (cf. Libération du 30 octobre) qui, visiblement, ne demandait rien à personne : le cabinet d’audit Barbier Frinault. On est allé les chercher pour déposer plainte contre nous. L’histoire est particulièrement tordue. On constate que des magistrats, au Parquet de Paris et à la Chancellerie, se font ici les complices d’une stratégie très acrobatique à notre égard.

Florian Bourges était un de mes informateurs dans mon enquête sur Clearstream. Ecoeuré de voir que ses supérieurs chez Arthur Andersen ne prennent pas en compte ses rapports révélant des anomalies informatiques à répétition lors de l’audit effectué dans le cadre de sa mission à Clearstream, il me contacte. Et me remet des pièces compromettantes pour la multinationale. Entre autres, ces fameux listings qui font couler tellement d’encre aujourd’hui. Il me faut une fois de plus préciser qu’il n’y a jamais eu de motivations financières pour lui, comme pour moi, dans la publication de ces documents. Et que je n’aurais jamais divulgué son identité s’il n’avait pas été contraint de témoigner dans l’affaire dite du corbeau.

J’ai utilisé ces listings dans mon livre La boîte noire en 2002 et dans notre film L’affaire Clearstream racontée à un ouvrier de chez Daewoo en 2003. C’est cette utilisation qui nous vaut aujourd’hui les demandes de sanction du Parquet de Paris.

Ces listing répertorient 33 000 références de comptes ouverts à partir de la multinationale à Luxembourg sur toute la planète. Ils donnent une incroyable cartographie de la finance mondiale, en particulier celle qu’on ne montre jamais : la finance parallèle.

Grâce à ces listings, on constate que des milliers de comptes ont été ouverts dans des paradis fiscaux par Clearstream. Sur 106 pays innervés par les fonds de la multinationale, on note que plus de 40 sont des paradis fiscaux. Les documents de Florian Bourges montrent aussi que toutes les banques honorablement connues - BNP,Crédit lyonnais, Société générale, pour ne citer que les françaises - ont des centaines de filiales dans des paradis fiscaux. Ils montrent également, de manière éclatante, au moins jusqu’en 2002, que la firme mentait quand elle indiquait n’avoir comme clients que des institutions respectables. Ceux qui douteraient peuvent jeter un œil dans les annexes de mes livres et consulter la liste des sociétés off shore ayant ouvert un compte à la banque des banques luxembourgeoise. Les plus paresseux qui douteraient encore de la véracité de mon propos peuvent visionner mes films (1), dont le dernier n’a pas été attaqué.

Ce n’est pas tout. Le témoignage de Florian en tant qu’auditeur d’Arthur Andersen vient crédibiliser celui de Régis Hempel, l’ancien chef de l’informatique, qui assurait, entre autres devant la mission d’enquête parlementaire française de Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, que la firme effaçait des transactions, en créant de fausses pannes informatiques. Cet effacement visait, selon Hempel, à dissimuler la provenance ou la destination des virements. Florian Bourges ne va pas jusque-là mais indique que toutes ses découvertes d’anomalies informatiques lors de l’audit ont été en quelque sorte elles aussi « effacées » par sa hiérarchie chez Arthur Andersen. Et ceci dans le but vraisemblable de ne pas gêner le client. Rappelons que ce rapport d’audit n’a jamais été rendu public.

Voilà la première utilité des listings de Clearstream et du témoignage de l’auditeur informatique Florian Bourges. Voilà pourquoi mes livres et mes films sont gênants pour les banques et pour Clearstream. Et utiles, je crois bon de le rappeler, à l’information des citoyens.

Voilà pourquoi je suis susceptible aujourd’hui de me faire condamner à trois ans d’emprisonnement et à 375 000 euros d’amende (selon Reporters sans frontières). Voilà l’essentiel.

Florian Bourges et moi n’avons strictement rien à voir avec la falsification des fichiers. C’est nous qui révélons les manipulations d’Imad Lahoud et de Jean Louis Gergorin dans mon livre Clearstream, l’enquête. Et c’est Florian, seul, en conscience, sans que je cherche à l’influencer, qui décide de parler aux juges.

Le reste, c’est du vent. De la mauvaise littérature. Le reste, c’est la stratégie du Parquet ou de Clearstream qui vont chercher ce cabinet d’audit dont je rappelle le nom, Barbier Frinault.

Pourquoi ce cabinet ? Parce qu’Arthur Andersen, l’employeur de Florian Bourges, l’auditeur de Clearstream, a trempé dans l’affaire Enron et a été mis en liquidation... Parce que Barbier Frinault sont les repreneurs d’Arthur Andersen... Ils n’ont évidemment subi aucun préjudice direct de notre part... Je sais, parce que je me suis renseigné, qu’ils n’avaient aucune envie d’être cités dans ce dossier. Leur mission (audit, expertise comptable, bureaux à Neuilly) demande d’abord de la discrétion... Pourquoi prendre le risque de sortir ainsi du bois ? Pourquoi participer à l’édification d’une procédure aussi alambiquée ? Pourquoi entrer dans ce jeu ?

La première tentative judiciaire initiée par Clearstream, le vol et recel de vol de secret bancaire, était bancale. Il fallait donc trouver autre chose. Pourquoi pas l’abus de confiance et son recel ? Voilà le sens de la demande de mise en examen du Parquet. Tenter de trouver une procédure dilatoire qui en soit pas prescrite... Voilà à quel jeu se prêtent des magistrats.

Un texte écrit et signé par des journalistes, des éditeurs ou des producteur est consultable en ce moment sur la web (2). Il s’indigne de ces pratiques manœuvrières. Les premiers signataires disent à quel point le combat pour la liberté d’informer est en jeu dans ce bras de fer initié par le pouvoir politique. J’en suis très heureux. Si le parquet insistait, si les juges suivaient finalement des réquisitions supplétives et si Florian Bourges ou moi étions un jour condamnés pour des motifs aussi futiles, les journalistes de ce pays pourraient ranger leurs stylos et entrer en clandestinité. Nous qui écrivons sur ces sujets sensible –les affaires, la politique, la finance- sommes en effet tous des receleurs en puissance.

Le Parquet de Paris et son représentant Jean-Claude Marin, le garde des Sceaux Pascal Clément et le Premier ministre Dominique de Villepin, forcément associés dans cette atteinte grave à la liberté d’écrire, ont cette fois poussé le bouchon trop loin. Il faut se croire vraiment intouchables, être cyniques et peu soucieux de justice et de démocratie, pour se lancer dans une pareille bataille. Rien de ce que ces trois personnages viennent de monter dans ce petit trafic n’est honorable."

Denis Robert

(1) édités en DVD chez Bac Films
(2) www.tousdesreceleurs.com


12.11.06

Une semaine absolument normale…

À l’origine, ce blog était destiné au prolongement du travail sur mon roman éponyme. C’est aujourd’hui une manière de répondre aux attaques, de donner de mes nouvelles à ceux qui m’envoient questions ou messages de plus en plus nombreux. Il s’est passé beaucoup de choses cette semaine… J’ai reçu mon lot habituel de dossiers financiers divers et de propositions de conférences et interventions. Désolé de ne pas pouvoir répondre à tous. Je fais ce que je peux. La pétition « tous des receleurs » marche fort sans qu’on ne fasse aucun prosélytisme. Elle a aussi relancé les signatures sur le blog « Liberté d’informer ». Je vais devenir un champion du net en matière de pétitions. Je m’en passerais.
Clearstream m’a donné de ses nouvelles avec une énième procédure en province suite à une interview au moment de la sortie de mon dernier livre. Ils ne me lâcheront pas. Aucun problème sur le fond, mais dépenses en énergie et en argent en perspective. Bientôt du nouveau sur le Journal officiel de ce côté avec la création d’une association…
La mauvaise foi de mes détracteurs est terrible. D’ailleurs leur avocat en France, Richard Malka – également avocat de Charlie hebdo - a fait très fort cette semaine en se servant d’une émission sur France Inter pour lancer des accusations originales et malveillantes contre moi et la moralité d’une de mes sources, à savoir Florian Bourges. Je trouve dingue que l’avocat de Clearstream puisse intervenir ainsi sur les ondes dans une affaire pareille et faire des leçons de morale, comme s’il était un acteur objectif du dossier. Chacun son job et son éthique. Il a déontologiquement franchi une ligne jaune. Mais tout le monde ou presque s’en fout.

Dans l’affaire du corbeau, les juges d’Huy et Pons ont finalement renvoyé le Parquet de Paris et la Chancellerie (et Matignon) dans leurs cordes en leur demandant de rédiger un réquisitoire supplétif concernant cette mise en examen pour recel d’abus de confiance… On notera que je deviens une sorte de prétexte à faire de la procédure. Le parquet devrait répondre. Villepin m’a dans le collimateur car mon livre Clearstream l’enquête et la démonstration qui le sous-tend est accablant pour lui. Il est d’ailleurs repris très largement, souvent sans être cité, dans les livres qui sortent en ce moment sur l’affaire. Tout cela est un peu fatigant.

Ce qui est fatigant aussi c’est de voir ces journaux ou médias divers qui continuent à avoir peur des procès de Clearstream. Personne ou presque ne vérifie ou ne prend en compte nos victoires judiciaires… Le Monde et ses avocats viennent, alors que l’article n’était pas diffamatoire et qu’il avait été accepté par la rédaction, de sucrer un de mes papiers à propos de la manipulation derrière cette plainte pour recel d’abus de confiance… C’est un cas de censure caractérisé. Le papier avait été relu par mon avocat. La presse est dans de sales draps. J’ose à peine évoquer Libé qui ouvre ses colonnes à l’inénarrable Edwy Plénel et semble voir dans l’appel d’hommes politiques pour sauver Libé, de Montebourg à Villepin, une issue. Décidément, on sombre…
Sinon, avant qu’il ne soit coupé, j’ai répondu à un court entretien avec un journaliste du Midi Libre qui sort une excellente enquête sur les réseaux de blanchiment d’argent liés au conseil régional de Lanquedoc-Roussillon… Ça permet de revenir à quelques fondamentaux.


En voici quelques bribes.


Quel intérêt trouve une entreprise à localiser son siège dans un paradis fiscal ?

Chaque fois qu’on entend paradis fiscal il faut d’abord entendre paradis judiciaire. Un chef d’entreprise qui va créer le siège de sa société dans un de ces paradis le fait en premier lieu pour payer moins d’impôts dans son pays d’origine. Une seconde motivation peut également l’animer, celle de cacher des transferts de fonds... Frauder le fisc, c’est bien... Acheter des armes, de la drogue, payer des intermédiaires dans des marchés c’est mieux. Ces paradis servent à ça.

Quand une société dépend d'une cascade de holdings, elles-mêmes basées dans différents paradis fiscaux, que peut-on en conclure ? En d'autres termes, ce type de montage pourrait-il servir à cacher les actionnaires ou les personnes qui se trouvent derrière ?

Oui, évidemment... Ces paradis qui recyclent cet argent noir ou qui cachent l’origine des fonds et des propriétaires de ces fonds sont devenus utiles à l’économie... Essayez d’enlever l’argent de la drogue du système, aussitôt l’économie mondiale s’effondre... Ces poches d’opacité sont les lieux ultimes de la transgression et permettent l’enrichissement des nantis en toute impunité.
L'Etat français a-t-il les moyens de démêler ce type de montage échevelé et d'arriver à savoir qui se trouve derrière ?
Non. Le principe même de ces paradis fiscaux c’est la protection judiciaire. On crée autour de la société inscrite dans ces pays, ou du compte ouvert là bas, une sorte de cordon de sécurité qui empêche tout juge ou tout policier d’accéder à l’information... Essayer de savoir qui est le véritable ayant droit d’un compte ouvert à Cayman, à Man ou plus près de nous au Luxembourg, vous n’y parviendrez pas, même si vous lancez des commissions rogatoires internationales... Quand ces paradis fiscaux les acceptent, ce qui est très rare, il existe tout un arsenal de procédures dilatoires pour les empêcher d’aboutir... La Suisse, par exemple, est très forte à ce jeu... Sa loi a évolué puisque maintenant si vous ouvrez un compte à Genève vous êtes obligé d’inscrire dans la banque une personne physique qui est véritablement responsable devant la loi du compte... C’est un progrès... Mais pour obtenir ce nom, si vous êtes un étranger, vous devez livrer de nombreux justificatifs contre lesquels les avocats suisses des ayant droits peuvent faire appel... C’est ainsi qu’on laisse traîner et pourrir les affaires... Parfois les pressions politiques, ou les relations personnelles entre magistrats peuvent débloquer certaines dossiers. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire Elf. Mais dans la grande majorité des cas, les demandes n’aboutissent pas... Et la Suisse est loin d’être le pire des paradis fiscaux... Depuis que je travaille sur ces sujets, j’ai compris que lutter contre étaient un combat perdu d’avance. Ces paradis de papier sont des leurres. Ils n’ont aucune existence légale, sont inatteignables... La question qu’il faut se poser reste quand les prédateurs financiers sont ils les plus vulnérables? Ce n’est pas quand l’argent est dans la banque du paradis en question. C’est pendant le transfert. Ce temps est électronique. Ces transferts sont archivés dans des immenses gares de triage de la finance. Chaque échange laisse une trace. Un particulier de Montpellier envoie de l’argent à son frère à Bamako, il va à sa banque qui vire l’argent sur son compte. Si vous allez au Mali, vous ne trouverez rien. Par contre, il existe en Belgique une société dite de routing financier qui s’appelle Swift qui va inscrire dans ses disques optiques les traces de ce transfert. C’est pour cette raison que récemment on a vu des agents américains s’intéresser à cette multinationale basée en Belgique... Pour les banques ou les sociétés off shore qui investissent leur argent sale en titres, il existe d’autres gares de triage de la finance. En Europe, il existe Clearstream dont el siège est à Luxembourg et Euroclear à Bruxelles. J’ai montré que Clearstream avait ouvert pour ses clients des milliers de comptes dans plus d’une quarantaine de paradis fiscaux, entre 1995 et 2002... On retombe sur le problème originel.... Le Luxembourg... Aucune enquête sérieuse n’est possible dans ce pays... Ça aussi, je l’ai démontré... Pourtant, techniquement, il serait facile de retrouver les traces de ces virements... On marche ainsi sur la tête depuis des dizaines d’années et on n’est pas prêt de s’arrêter.

Je sais que je me répète. Mes amis me conseillent de ne pas répondre coup pour coup. Je réponds une fois sur dix. Je m’économise. Je marche pourtant sur les traces de Klébert. C’est parfois ce qui m’inquiète le plus. Bien à vous.

DR (dimanche 12, matin gris)