
Hier, je suis descendu en ville pour défendre l'honneur et le métier de mon ami Yan Lindingre. J'habite à la lisière d'une forêt. La ville Metz où j'ai vécu vingt années, est en contrebas . Je déteste ça. Descendre et manifester. Je traîne peu en ville, je suis devenu sauvage et vaguement agoraphobe. Je l'ai fait parce que ce qui arrive à Yan est profondément injuste, bête et n'est pas sans rapport avec ce qui m'arrive. C'est loin d'être une affaire d'Etat. C'est juste un petit gars, prof aux Beaux Arts, que ses élèves aimaient bien, qui dessine des personnages avec des têtes de cochons. Son directeur (un noblion ayant eu son boulot on ne sait comment...) et une de ses collègues, ont cru se reconnaître dans une planche d'un album très fendard (Titine au bistrot, éd Fluide glacial). Lui, un petit gros, se goinfre à un cocktail. Elle, une grande sèche (je parle des personnages), jure et s'énerve en allemand. Au dessus de la tête de la fille, pour signifier son énervement, une croix gammée. Uderzo en dessinait au dessus des têtes de pirates dans Astérix. Hergé faisait pareil avec le capitaine Haddock. Pour qui s'intéresse un minimum à la bédé (qui est une forme d'art enseignée dans ces écoles), c'est d'une telle évidence. Or la fille est juive. Ce que Yan ignorait. Pour régler des comptes internes à l'école où des profs s'affrontent sur les méthodes d'enseignement, les deux têtes de cochon citées plus haut en ont alerté une troisième : le sénateur-maire de Metz, mon vieux copain, Jean Marie Rausch (pour ceux que ça intéresse, il est un des héros de mon film histoire clandestine qu'on trouve dans toutes les Fnac et Virgin du pays). Ils ont accusé Yan de révisionniste. Ce qui est énorme quand on connaît Yan. Le plus inquiétant est que la micropilule est passée et s'est transformée en ogive. Le maire l'a viré. Il sait aujourd'hui qu'il a fait une connerie, mais comme il est devenu très vieux et encore plus buté, il ne veut pas le reconnaître et comme dans cette ville - à part quelques exceptions- tout est mort ou à son service, tout passe. C'est donc pour cette raison que je suis allé me fondre dans une petite foule encerclée de dessinateurs, de militants de la CFDT, de trois conseillers municipaux et d'étudiants des Beaux Arts. Cette histoire, comme celle de Placid qui s'est fait condamner pour avoir dessiné un flic à nez de cochon, celle de ces bloggers poursuivis pour avoir publier des pv d'instruction, celle de ces journaux locaux et indépendants harcelés pour écrire des vérités (Tonic en Alsace, CQFD à Marseille, La Feuille à Villeneuve), celle d'Emmanuel Poncet et de Libé condamnés à 70 000 euros (dixit Joffrin) pour avoir fait un parallèle entre les juges disciplinés d'Outreau et Eichmann, participent de la même atteinte à la liberté d'écrire, d'informer. Et donc de penser.
Même sur des microévéments comme ceux de Metz et de Yan, il est devenu temps, je crois, de se bouger. La pente est devenue boueuse et je sais de quoi je parle.
Sur le font de mes affaires, mon avocat Michel Zaoui va mieux. Il est toujours convalescent mais a récupéré, après deux mois d'hôpital, cent pour cent de ses potentialités. On va donc bientôt à nouveau nous défendre devant les tribunaux français.
Au Luxembourg, la folie judiciaire continue. D'habitude, quand on fait appel d'une décision, le délai est d'un an. Me concernant, ils ont été super méga rapide. Nous avions fait appel de leur décision du 9 mai de nous faire passer en correctionnel suite à la vieille plainte de Fortis (voir plus bas sur ce blog où les juges luxembourgeois avaient décidé de transformer un délit de presse (prescrit) en un délit de droit commun (non prescrit). Pascal Lorent et moi sommes convoqués le 5 juin au tribunal de Luxembourg pour cet appel. Que dire ? Si seulement ces magistrats luxembourgeois mettaient le dixième de l'énergie qu'ils déploient à me coincer à combattre les criminels financiers qui rincent les banques du pays… Mais bon, je vais la fermer. Je risque une lourde condamnation…
Merci à tous les journalistes qui ont envoyé leurs cartes au blog de soutien. Du fond du cœur. N'oubliez pas qu'après moi, si vous cherchez à exercer votre métier, ce sera vous…
(http://jesoutiens.blogspot.com/)…
DR