15.6.07

Denis Robert... ou le prix de la solution
le 13 juin 2007

Pourquoi le journaliste Denis Robert détient-il, aujourd’hui, le record
toutes catégories des plaintes pour diffamation ? Pourquoi, dès qu’il ouvre
la bouche pour une interview, dès qu’il prononce le mot maudit,
« Clearstream », pourquoi cette seule évocation se matérialise-t-elle, le
mois suivant, par une visite d’huissier ?

Parce qu’il dénonce le cœur de la planète financière ? A peine. Parce qu’il
porte une bonne nouvelle, surtout : la planète financière est régulable...

Denis Robert démontre, certes, que des centaines de banques off-shore,
situées aux Bermudes, aux Bahamas, à Jersey, dans une quarantaine de paradis
fiscaux, possèdent leurs compte chez Clearstream. Il ajoute que,
contrairement au règlement de la firme luxembourgeoise, des sociétés
privées, des multinationales, et non seulement des banques, sont présentes
dans les listings de Clearstream. Il révèle, enfin, et l’ancien responsable
informatique de Clearstream le confirme, que des transactions ont été
quotidiennement effacées de la mémoire des ordinateurs, afin de rendre
certains échanges plus opaques encore. Autant d’éléments qui, à l’évidence,
peuvent faciliter le blanchiment, voire le noircissement d’argent.

Mais tout cela n’est rien. Le capitalisme s’est habitué aux vaines
dénonciations, aux déplorations impuissantes. De rares films, plus
fréquemment des livres, se sont attaqués à Total, à la CIA, à Pinault
Arnault, aux hypermarchés, à la corruption des élus, etc., et qu’ont récolté
leurs auteurs ? L’indifférence le plus souvent, un succès d’estime ou de
librairie parfois, un procès à la rigueur lorsqu’ils avaient blessé
l’orgueil d’un de ces maîtres. Jamais, en tout cas, une pluie de plaintes
comme celle qui, depuis cinq années, s’abat sur Denis Robert.

Ce ne sont pas ses dénonciations, en vérité, que paie Denis Robert, pas même
certaines erreurs sur des points de détails. Non : il paie pour la solution.
C’est sans doute le message le plus dangereux, le plus explosif, le plus
subversif qui découle de ses ouvrages : la planète financière est régulable.
Facilement, même, peut-être...

[Intertitre] Une tour de contrôle de la finance

Qu’on s’explique : lorsque deux banques, l’une au Japon par exemple, l’autre
en France, doivent échanger des valeurs entre elles, elles passent par
Clearstream (ou par Euroclear, à Bruxelles). On appelle ça des « chambres de
compensation ». Autant dire que les plus gros flux, des centaines de
milliards d’euros transitent chaque jour par ces autoroutes de la finance.
Le système, que l’on croyait totalement éclaté, décentralisé, et donc
incontrôlable, se révèle au contraire hyper-centralisé, et donc parfaitement
observable. Donc contrôlable.

Clearstream sert aujourd’hui à décupler la spéculation, et éventuellement à
dissimuler les fruits de divers trafics. Cette « banque des banques »
pourrait tout aussi bien, demain, devenir une tour de contrôle de la finance
globalisée. Le gendarme d’un monde sans loi. A condition que cet
établissement soit transformé en organisme international, ou que des
instances indépendantes le surveillent de près.

Voilà ce qu’il ne faut surtout pas comprendre.

Alors, pour qu’on ne comprenne pas cela, on nous embrouille avec de la
technique financière ou des « corbeaux ». Les avocats de la firme
poursuivent, menacent, chipotent sur des vétilles. Toute cette fumée
médiatico-judiciaire pour que l’on n’aperçoive pas, clairement, la bonne
nouvelle, la lumière au fond du tunnel : la mondialisation financière peut
être régulée. Encore faut-il le vouloir...

+ L'émission "Là-bas si j'y suis" de Daniel Mermet du 14 juin (France Inter, à écouter en podcast*)
>cliquez ici

*Podcast, le lien RSS : il vous suffit de copier ce lien et de le coller dans votre application podcast. http://radiofrance-podcast.net/podcast/rss_14288.xml

6 Comments:

Blogger F.H said...

C'est malheureux de voir que des gens comme Denis Robert prennent des risques, s'impliquent à 100% dans de telles affaires et qu'on ne leur soit pas plus reconnaissant que ça pour ce qu'ils font. C'est quand même sensé toucher tout le monde!!! C'est pour ça qu'il faut en parler autour de soi, expliquer aux gens qui ne comprennent pas afin qu'ils prennent conscience de l'ampleur de la chose et des effets que cela a.
Cette affaire a révélé beaucoup de choses et notamment que nous ne sommes pas dans un pays démocratique, qui pratique la censure et préfere se taire devant ces sales combines. Il vaut mieux faire bonne figure et remettre la légion d'honneur au Premier Ministre luxembourgeois que de soutenir un journaliste qui ouvre sa bouche pour dénoncer le cœur de la planète financière.
Lamentable...
H.F

15:13  
Anonymous Anonyme said...

POur l'émission là-bas si j'y suis, suivez plutôt ce lien : http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1207

Merci Denis

10:06  
Anonymous Anonyme said...

Paypal, pour le fun... extrait de courrier électronique.

"Dans le cadre du Règlement sur le respect de la vie privée, PayPal Luxembourg deviendra le contrôleur de vos informations personnelles, à partir du 2 juillet 2007, et fournira de plus amples détails sur les tiers auxquels la société transmettra les informations vous concernant et concernant votre compte.

Le courrier s'étend longuement...

Il s'agit d'une entité luxembourgeoise soumise à la réglementation des établissements bancaires par la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF), équivalent luxembourgeois de la FSA.


Utilisateurs de skype, de Paypal, ebay... vous voilà "prévenu"

Voir Luxembourg et puis mourrir...

13:23  
Anonymous Anonyme said...

vous pourriez pas vous occuper un peu d'euroclear aussi? vous vous êtes jamais demandé si vous n'étiez pas manipulé par euroclear géant américain et seul concurrent en europe de clearstream.
les gens de la finance sont tous des rapaces et leurs moyens sont colossaux.

10:19  
Anonymous Anonyme said...

DR,

Après lecture il y a quelques mois de La Boîte Noire - enquête la plus passionnante qu'il m'a été donné de lire jusqu'ici - et, ce soir, visionnage de l'émission Arrêt sur image à laquelle vous avez participé (en décembre 2006 ?), je comprends toute la difficulté que vous avez à faire passer votre message et fais partie de ceux qui vous soutiennent du début à la fin.

Pourquoi Daniel Schneidermann s'acharne-t-il à tenter de vous discréditer sur des détails insignifiants quand on connaît l'ampleur de l'affaire dont ils sont issus ? Cette question n'a pas encore obtenu réponse mais il semble que ce soit un nouvel exemple de la réponse des journalistes à votre travail d'investigation. Comme vous le proposez : qu'ils la fassent, la contre-enquête !

S'étendre plus ici ne servirait à rien, je tiens seulement à vous remercier et vous faire part de mon support.

vovor,
Etudiant en informatique et trader pour compte propre qui se pose des questions depuis longtemps sur le système financier mondial

01:01  
Anonymous Anonyme said...

il faut tout d'abord comprendre(a mon avis :-) que les lois sont des "créations artificielles pour "protéger ":-D
elles sont opposées a la jungle,mais aussi protègent "la loi de la jungle de cèrtains "
les daubes, le sexe, les armes ,etc.........font l'objet de rèstrictions légales :pourquoi ?
pour protéger avec violence(hors la loi ) si besoin ;le cours des marchés, et la concurence des eventuels petits .
que voyons nous ?
qu'un flux d'argent sal circule sans etre taxé par les états.
ces gens qui passent au dessus les lois ,sont farouchement contre "l' états Social",mais ont besoin des lois qui sans elles les placeraient dans une jugle qui aurait surement tres vit raison de leurs petits pardis clandèstins !
ils ont souvent les aides zélés des "forces de l'ordre " de cèrtains états "démocratiques ".
là, ou l'état démocratique ,n'existe pas,,ce sont les somités qui occupent les deux casquettes (mafia violent et le sèrvice de l'ordre pubic:"il est beau l'ordre public dans cèrtains états" :-)
voila pour moi, ce quest la "justice dans cèrtains états ".elle n'est rien d'autre qu'un rapport de force qui a tout moment peut basculer !
ainsi "cèrtains "ne veulent pas que cela change, meme s'ils sont d'honètes citoyens de ces états .
nous voila donc dans un monde bien virtuel ou tout est possible si le bonhomme ne se fait pas prendre(bon, il y en a qui risquent moins que les autres de se faire prendre :-))lui.
salut a vous

09:38  

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