FINANCE SACRÉE !
Mis à jour le :15 mars 2007. Auteur : François Maliet.
L’avocat de Charlie Hebdo et de Clearstream, Richard Malka, défend la liberté d’expression tout en s’acharnant sur un écrivain qui a mis son nez dans la finance internationale. Chapeau, l’artiste !
On devait en trouver des brouettes entières, des avocats prêts à s’engager auprès de Charlie Hebdo les 7 et 8 février derniers. Pensez donc, défendre une cause aussi noble que la liberté de la presse, et contre le péril barbu de surcroît ! Imaginez-vous menant la charge lors de ce « procès hautement symbolique » (France Inter). Car, bien plus qu’une simple audience, il s’agissait d’un « combat de la Raison contre les Ténèbres » (Libé, 09/02). Vous voila heaume rabattu et lance au flanc pour secourir « la libre opinion » (Le Figaro, 09/02), masse d’arme au poing pour l’honneur du « droit à l’impertinence » (Le Midi-Libre, 07/02), n’hésitant pas à piquer des deux en tenant haute votre bannière pour terrasser l’ennemi lors de ce « procès d’un autre âge, d’un autre monde » (Le Monde, 08/02). Quelle gloire ! Mais ne rêvez pas, les lauriers de la liberté d’expression reviennent aux avocats attitrés de l’hebdo, dont Richard Malka fait partie. Dans le civil, le bougre est scénariste de BD, auteur de l’inconnu Ordre de Cicéron, de la trop connue Face karchée de Sarkozy, ainsi que de Section financière, où l’histoire se déroule sur fond de blanchiment d’argent. Pour cet album, sa muse est sûrement titillée au quotidien puisque Richard Malka est aussi l’avocat de Clearstream, la banque des banques luxembourgeoise qui enregistre les mouvements de pognon d’un bout à l’autre de la planète. Et qui, selon Denis Robert, le journaliste et écrivain qui enquête sur cette société depuis de nombreuses années, « est un formidable outil de dissimulation utilisé par un nombre de plus en plus grand d’initiés. » [1] Un rouage essentiel à la bonne marche du sacro-saint marché, quoi...
En 2001, quand Denis Robert a publié Révélation$, un bouquin d’enquête sur le fonctionnement quelque peu opaque de la désormais célèbre institution financière, cette dernière s’est dégotée un avocat rompu à ce type de joute. Qui, sinon le bavard de l’hebdo le plus attaqué de France, assurerait cette mission sans coup férir ? À l’époque, Charlie essuyait les foudres des ultra-cathos de l’AGRIF : « [Ils] avaient mis au point une stratégie de harcèlement judiciaire. [Leur] idée étant : on fait un procès systématiquement. Si on les gagne, tant mieux, ça va assécher leurs finances, et si on les perd, ce n’est pas grave, ça leur occasionnera quand même des frais importants », expliquait Richard Malka en 2002, dans le hors-série Dix ans de bonheur de Charlie Hebdo. L’acharnement des soutanes tatillonnes le mit à bonne école puisqu’on retrouve sensiblement la même stratégie systématique contre Denis Robert. L’écrivain doit faire face à une trentaine de procédures judiciaires, pas toutes diligentées par Clearstream il est vrai. Contacté par CQFD, Richard Malka minimise : « Je ne l’ai poursuivi qu’à six ou sept reprises. » Six ou sept ! Soit le nombre de procès intentés par les ultra-cathos contre Charlie à l’époque où il se plaignait de leur « harcèlement ». Mais il ne faut pas tout confondre, et « il est bien légitime que les personnes mise en cause puissent considérer qu’elles ont été diffamées », nous explique cette soutane laïque, avant de préciser, quelque peu condescendant : « Nous ne demandons que ça, de ne plus l’attaquer... S’il ne ressortait pas tous les ans le même livre avec les mêmes implications [sic] diffamatoires ! » Il égraine alors les procès gagnés par la banque luxembourgeoise : contre Révélation$, contre un reportage sur Canal +, en faveur d’un salarié de Clearstream mis en cause... « Denis Robert a été condamné à payer des dommages et intérêts qui s’élèvent pour chacun de ces procès à... un euro ! », tient à préciser à CQFD Michel Zaoui, l’avocat de l’écrivain. Quelles victoires éclatantes quand on sait que pour Révélation$, Clearstream réclamait 300 000 euros ! Le champagne dut couler à flots dans les bureaux luxembourgeois. Mais pas longtemps puisque la banque a paumé son procès contre La boîte noire, le second bouquin de Denis Robert... « Le même livre avec les mêmes implications diffamatoires » qu’il disait !
Dans l’opuscule de Charlie autocélébrant leurs Dix ans de bonheur, notre héraut de la liberté d’expression avançait que « la censure aujourd’hui n’est plus ni judiciaire, ni politique. Elle est purement économique ». On ne peut qu’abonder en son sens, et s’interroger : est-ce à cause des honoraires luxembourgeois de Me Malka que Charlie n’évoque point les enquêtes de Denis Robert ? Dans l’hebdo de Val du 7 mars dernier, Michel Polac joue au vieux sénile qui ne comprend rien : Robert il dit qu’il gagne, Malka il dit que Robert perd et Polac « [se] sent l’idiot du village. [...] Laissez-moi le temps de tenter de comprendre », supplie l’ancien impertinent. T’affole pas Michel, ça fait jamais que cinq ans que ça dure ! L’AGRIF était claire : « Occasionner des frais importants »... Et la censure « purement économique » annoncée par Malka voit le jour : saigné par la multiplication des procédures à son encontre, et malgré le comité de soutien créé par ses potes [2], Denis Robert a comme une furieuse envie d’abandonner. « Je n’ai plus envie de parler de Clearstream, chaque fois que je prononce ce nom c’est comme si un étron me sortait de la bouche », nous confiait-il fin février. Pour lui remonter le moral, il vient d’être condamné pour une interview bidouillée publiée par VSD : 1 500 euros de dommages et intérêts plus les frais de publication judiciaire. « Pendant dix ans, l’AGRIF nous a attaqués pour racisme antichrétien... Et puis, elle a cessé de nous poursuivre. Les chrétiens ont fini par s’habituer à l’humour Charlie Hebdo ! », s’amusait Richard Malka lors du procès des caricatures. Clearstream, elle, ne s’est toujours pas habituée au boulot de Denis Robert... Eh, Malka ! Si la liberté d’expression se résume à dessiner la barbe de Momo le prophète sans pouvoir enquêter sur la finance internationale, ton laïus vaut pas tripette.
Publié dans CQFD n°43, mars 2007.
[1] Le Point, 08/07/04.
[2] lesoutien.blogspot.com/ Comité de soutien à Denis Robert, BP 93602, 54016 Nancy Cedex.
Mis à jour le :15 mars 2007. Auteur : François Maliet.
L’avocat de Charlie Hebdo et de Clearstream, Richard Malka, défend la liberté d’expression tout en s’acharnant sur un écrivain qui a mis son nez dans la finance internationale. Chapeau, l’artiste !
On devait en trouver des brouettes entières, des avocats prêts à s’engager auprès de Charlie Hebdo les 7 et 8 février derniers. Pensez donc, défendre une cause aussi noble que la liberté de la presse, et contre le péril barbu de surcroît ! Imaginez-vous menant la charge lors de ce « procès hautement symbolique » (France Inter). Car, bien plus qu’une simple audience, il s’agissait d’un « combat de la Raison contre les Ténèbres » (Libé, 09/02). Vous voila heaume rabattu et lance au flanc pour secourir « la libre opinion » (Le Figaro, 09/02), masse d’arme au poing pour l’honneur du « droit à l’impertinence » (Le Midi-Libre, 07/02), n’hésitant pas à piquer des deux en tenant haute votre bannière pour terrasser l’ennemi lors de ce « procès d’un autre âge, d’un autre monde » (Le Monde, 08/02). Quelle gloire ! Mais ne rêvez pas, les lauriers de la liberté d’expression reviennent aux avocats attitrés de l’hebdo, dont Richard Malka fait partie. Dans le civil, le bougre est scénariste de BD, auteur de l’inconnu Ordre de Cicéron, de la trop connue Face karchée de Sarkozy, ainsi que de Section financière, où l’histoire se déroule sur fond de blanchiment d’argent. Pour cet album, sa muse est sûrement titillée au quotidien puisque Richard Malka est aussi l’avocat de Clearstream, la banque des banques luxembourgeoise qui enregistre les mouvements de pognon d’un bout à l’autre de la planète. Et qui, selon Denis Robert, le journaliste et écrivain qui enquête sur cette société depuis de nombreuses années, « est un formidable outil de dissimulation utilisé par un nombre de plus en plus grand d’initiés. » [1] Un rouage essentiel à la bonne marche du sacro-saint marché, quoi...
En 2001, quand Denis Robert a publié Révélation$, un bouquin d’enquête sur le fonctionnement quelque peu opaque de la désormais célèbre institution financière, cette dernière s’est dégotée un avocat rompu à ce type de joute. Qui, sinon le bavard de l’hebdo le plus attaqué de France, assurerait cette mission sans coup férir ? À l’époque, Charlie essuyait les foudres des ultra-cathos de l’AGRIF : « [Ils] avaient mis au point une stratégie de harcèlement judiciaire. [Leur] idée étant : on fait un procès systématiquement. Si on les gagne, tant mieux, ça va assécher leurs finances, et si on les perd, ce n’est pas grave, ça leur occasionnera quand même des frais importants », expliquait Richard Malka en 2002, dans le hors-série Dix ans de bonheur de Charlie Hebdo. L’acharnement des soutanes tatillonnes le mit à bonne école puisqu’on retrouve sensiblement la même stratégie systématique contre Denis Robert. L’écrivain doit faire face à une trentaine de procédures judiciaires, pas toutes diligentées par Clearstream il est vrai. Contacté par CQFD, Richard Malka minimise : « Je ne l’ai poursuivi qu’à six ou sept reprises. » Six ou sept ! Soit le nombre de procès intentés par les ultra-cathos contre Charlie à l’époque où il se plaignait de leur « harcèlement ». Mais il ne faut pas tout confondre, et « il est bien légitime que les personnes mise en cause puissent considérer qu’elles ont été diffamées », nous explique cette soutane laïque, avant de préciser, quelque peu condescendant : « Nous ne demandons que ça, de ne plus l’attaquer... S’il ne ressortait pas tous les ans le même livre avec les mêmes implications [sic] diffamatoires ! » Il égraine alors les procès gagnés par la banque luxembourgeoise : contre Révélation$, contre un reportage sur Canal +, en faveur d’un salarié de Clearstream mis en cause... « Denis Robert a été condamné à payer des dommages et intérêts qui s’élèvent pour chacun de ces procès à... un euro ! », tient à préciser à CQFD Michel Zaoui, l’avocat de l’écrivain. Quelles victoires éclatantes quand on sait que pour Révélation$, Clearstream réclamait 300 000 euros ! Le champagne dut couler à flots dans les bureaux luxembourgeois. Mais pas longtemps puisque la banque a paumé son procès contre La boîte noire, le second bouquin de Denis Robert... « Le même livre avec les mêmes implications diffamatoires » qu’il disait !
Dans l’opuscule de Charlie autocélébrant leurs Dix ans de bonheur, notre héraut de la liberté d’expression avançait que « la censure aujourd’hui n’est plus ni judiciaire, ni politique. Elle est purement économique ». On ne peut qu’abonder en son sens, et s’interroger : est-ce à cause des honoraires luxembourgeois de Me Malka que Charlie n’évoque point les enquêtes de Denis Robert ? Dans l’hebdo de Val du 7 mars dernier, Michel Polac joue au vieux sénile qui ne comprend rien : Robert il dit qu’il gagne, Malka il dit que Robert perd et Polac « [se] sent l’idiot du village. [...] Laissez-moi le temps de tenter de comprendre », supplie l’ancien impertinent. T’affole pas Michel, ça fait jamais que cinq ans que ça dure ! L’AGRIF était claire : « Occasionner des frais importants »... Et la censure « purement économique » annoncée par Malka voit le jour : saigné par la multiplication des procédures à son encontre, et malgré le comité de soutien créé par ses potes [2], Denis Robert a comme une furieuse envie d’abandonner. « Je n’ai plus envie de parler de Clearstream, chaque fois que je prononce ce nom c’est comme si un étron me sortait de la bouche », nous confiait-il fin février. Pour lui remonter le moral, il vient d’être condamné pour une interview bidouillée publiée par VSD : 1 500 euros de dommages et intérêts plus les frais de publication judiciaire. « Pendant dix ans, l’AGRIF nous a attaqués pour racisme antichrétien... Et puis, elle a cessé de nous poursuivre. Les chrétiens ont fini par s’habituer à l’humour Charlie Hebdo ! », s’amusait Richard Malka lors du procès des caricatures. Clearstream, elle, ne s’est toujours pas habituée au boulot de Denis Robert... Eh, Malka ! Si la liberté d’expression se résume à dessiner la barbe de Momo le prophète sans pouvoir enquêter sur la finance internationale, ton laïus vaut pas tripette.
Publié dans CQFD n°43, mars 2007.
[1] Le Point, 08/07/04.
[2] lesoutien.blogspot.com/ Comité de soutien à Denis Robert, BP 93602, 54016 Nancy Cedex.
2 Comments:
Denis, quelque chose m'échappe, il me semble, si mes souvenirs sont bons, que tu as écrit dans "Clearstream l'enquête" que tu as fourni à Imad Lahoud la database 2001. Lahoud quant à lui, dit que sur le CD-ROM que tu lui as fourni, il y avait"tout une série de fichiers".
Voir son interview sur RMC via Daily Motion, en cliquant sur mon prénom.
Alors ma question est : dans le CD-ROM que tu as fourni à Imad Lahoud, y avait-il autre chose que la database 2001 ? Ou seulement cette liste ?
Il me semble qu'aucun journaliste: ne fasse attention à ces détails, celui de RMC confond CD-ROM et liste, or je pense qu'ils ont leur importance.
Merci de ta réponse !
Bon, je vais devoir repasser à la bibliothèque pour vérifier tout ça ;-)
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