A.Charlot-C’est un roman. Et même un peu plus que ça...
23/02/06
La domination de l’information
Le dernier livre de Denis Robert s’appelle "La domination du monde". C’est un roman. Et même un peu plus que ça...
Dans les années 1970, le héros de thriller était un homme seul, opiniâtre et courageux. Les informations qu’il détenait, qui dénonçaient les agissements d’obscures organisations, le mettaient en danger de mort. S’il parvenait à déjouer les pièges tendus par ces organisations et à rester en vie, le héros de thriller finissait généralement par trouver un journal ou une chaîne de télévision qui acceptait de sortir ses précieuses informations. La vérité éclatait. Le scandale éclaboussait l’organisation. La population savait.
Aujourd’hui, le héros de thriller est toujours seul, opiniâtre et courageux. Sauf qu’il n’a plus la moindre chance de faire éclater la vérité. Tout simplement parce que ce n’est plus l’enquêteur qui est en danger de mort, c’est l’information elle-même.
Denis Robert l’a compris, pour l’avoir vécu lui-même. Il vient d’écrire le premier thriller dont le personnage principal est l’information. Dans La domination du monde, il décrit minutieusement le calvaire de l’information:elle surgit d’abord, tellement brûlante que c’est sûr, elle va mettre le feu au monde entier, puis elle se fait saisir par la partie adverse et elle est confiée à des mains expertes qui vont la maltraiter, la déformer, la défigurer, la déchiqueter, jusqu’à en faire une rumeur foireuse qui n’intéressera aucun média. Donc personne.
Le héros du thriller n’a alors plus qu’à passer la main ou à devenir fou. Ou les deux. A quoi reconnaît-on un écrivain? Sans aucun doute à sa capacité à raconter notre monde. Beaucoup d’écrivains se contentent de le commenter. C’est plus commode, moins fatigant. Denis Robert, lui, il est infatigable. Increvable, même. Inlassablement, il va chercher les mots pour mettre un visage sur ces «choses» dont on entend parler tous les jours, sans savoir à quoi elles ressemblent vraiment: pouvoir, multinationale, corruption, libéralisme, impunité, finance, blanchiment, connivence, exploitation... domination.
Mettre un visage. C’est de cela qu’il s’agit. Car aussi sophistiqué soit le système auquel on a à faire, il arrive toujours un moment où il peut se réduire à deux hommes qui se parlent. Deux visages. Pour Denis Robert, écrire, c’est faire sans cesse un peu plus le point sur ces visages. Livre après livre. Pour le lecteur, c’est regarder ces visages en face, les yeux grands ouverts. C’est voir le monde tel qu’il est, quel que soit le vertige que ça provoque. Et c’est avoir la certitude qu’on vient de lire un écrivain. Un vrai.
Alexandre Charlot
23/02/06
La domination de l’information
Le dernier livre de Denis Robert s’appelle "La domination du monde". C’est un roman. Et même un peu plus que ça...
Dans les années 1970, le héros de thriller était un homme seul, opiniâtre et courageux. Les informations qu’il détenait, qui dénonçaient les agissements d’obscures organisations, le mettaient en danger de mort. S’il parvenait à déjouer les pièges tendus par ces organisations et à rester en vie, le héros de thriller finissait généralement par trouver un journal ou une chaîne de télévision qui acceptait de sortir ses précieuses informations. La vérité éclatait. Le scandale éclaboussait l’organisation. La population savait.
Aujourd’hui, le héros de thriller est toujours seul, opiniâtre et courageux. Sauf qu’il n’a plus la moindre chance de faire éclater la vérité. Tout simplement parce que ce n’est plus l’enquêteur qui est en danger de mort, c’est l’information elle-même.
Denis Robert l’a compris, pour l’avoir vécu lui-même. Il vient d’écrire le premier thriller dont le personnage principal est l’information. Dans La domination du monde, il décrit minutieusement le calvaire de l’information:elle surgit d’abord, tellement brûlante que c’est sûr, elle va mettre le feu au monde entier, puis elle se fait saisir par la partie adverse et elle est confiée à des mains expertes qui vont la maltraiter, la déformer, la défigurer, la déchiqueter, jusqu’à en faire une rumeur foireuse qui n’intéressera aucun média. Donc personne.
Le héros du thriller n’a alors plus qu’à passer la main ou à devenir fou. Ou les deux. A quoi reconnaît-on un écrivain? Sans aucun doute à sa capacité à raconter notre monde. Beaucoup d’écrivains se contentent de le commenter. C’est plus commode, moins fatigant. Denis Robert, lui, il est infatigable. Increvable, même. Inlassablement, il va chercher les mots pour mettre un visage sur ces «choses» dont on entend parler tous les jours, sans savoir à quoi elles ressemblent vraiment: pouvoir, multinationale, corruption, libéralisme, impunité, finance, blanchiment, connivence, exploitation... domination.
Mettre un visage. C’est de cela qu’il s’agit. Car aussi sophistiqué soit le système auquel on a à faire, il arrive toujours un moment où il peut se réduire à deux hommes qui se parlent. Deux visages. Pour Denis Robert, écrire, c’est faire sans cesse un peu plus le point sur ces visages. Livre après livre. Pour le lecteur, c’est regarder ces visages en face, les yeux grands ouverts. C’est voir le monde tel qu’il est, quel que soit le vertige que ça provoque. Et c’est avoir la certitude qu’on vient de lire un écrivain. Un vrai.
Alexandre Charlot
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